Question
Pourriez-vous mettre à jour de la réponse du Helpdesk sur Madagascar et offrir une vue d’ensemble du secteur des ressources naturelles, des formes de corruption observées dans le secteur des ressources naturelles, des risques de corruption, des acteurs impliqués et des mécanismes utilisés pour trois ressources naturelles spécifiques : le bois de rose, l’or et les espèces sauvages ?
Avertissement
Il convient de noter que l’analyse des informations trouvées dans le domaine public et nos conversations avec les militants anti-corruption ont révélé un manque de connaissances approfondies sur les acteurs, réseaux et risques de corruption dans le secteur de l’exploitation illégale et de la contrebande d’or.
Contexte
L’instabilité politique, la corruption gouvernementale et l’impunité perdurent depuis la dernière étude menée sur Madagascar (Transparency International 2019).
La pandémie de COVID-19 a déclenché une forte récession à Madagascar, annihilant des années de progrès en matière de réduction de la pauvreté et faisant exploser la pauvreté parmi les populations urbaines (Banque mondiale 2020). L'impact combiné des troubles de l’économie mondiale et des mesures de confinement nationales aurait entraîné un recul du PIB de 4,2 pour cent en 2020, une chute similaire à celle observée lors de la crise politique dévastatrice de 2009 (Banque mondiale 2020). Les populations défavorisées, en particulier dans les zones urbaines, ont été les plus touchées par les pertes d’emploi dans certains secteurs de services manufacturiers clés, et cette perte de revenus a provoqué une baisse soudaine de l’activité. Un rapport souligne que, bien que les foyers ruraux aient également été concernés, le maintien de la productivité agricole a contribué à les préserver (Stocker et al. 2020).
À cheval entre COVID-19 et corruption, une affaire a révélé que le ministre de l’intérieur malgache avait utilisé l’aide au développement censée soutenir la relance après le COVID-19 pour acheter du matériel pour l’entreprise dont sa femme est directrice (Transparency International 2020b).
Si les ressources naturelles ont toujours été des cibles privilégiées en matière de corruption et de trafic sur l’île, les crimes environnementaux n’ont fait que s’intensifier à Madagascar depuis l’adoption des mesures de confinement visant à limiter la propagation du COVID-19 (Rahman 2019 ; Ngounou 2020). Par exemple, l’impact socio-économique des mesures de confinement visant à limiter la propagation de la pandémie à l’échelle du pays a poussé les populations rurales2ba14d131688 à se tourner vers les zones protégées pour trouver des moyens de subsistance. Par ailleurs, comme l’a observé le ministre de l’environnement et du développement durable, la situation a également incité les trafiquants à évacuer leurs stocks de bois précieux qu’ils avaient cachés dans ces territoires (Ngounou 2020).
Le pays a obtenu la note de 25/100 et figure à la 149ème place sur 180 de l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2020 de Transparency International. Freedom House (2020), de son côté, place Madagascar dans la catégorie des pays « partiellement libres », avec une note de 61/100. Selon les Indicateurs mondiaux de la gouvernance, le rang percentile de l’île en matière de maîtrise de la corruption était de 14,9 pour 2018 et 15,9 pour 2019 (Banque mondiale 2019).
Le trafic de bois de rose et de pierres précieuses, la contrebande d’espèces rares et protégées, la corruption parmi les responsables des douanes et de l’administration fiscale, le trucage des marchés publics, le trafic de drogues et le kidnapping sont quelques-uns des symptômes d’une corruption généralisée. En raison de la faiblesse des institutions, les activités telles que le blanchiment d’argent via des achats immobiliers et le trafic de pierres précieuses par exemple prolifèrent sans que le système judiciaire puisse les sanctionner efficacement. Dans le même temps, le manque d’informations (registre foncier inadapté, par exemple), l’absence de registres fiscaux et bancaires et la faiblesse de la coopération internationale entravent le recours à des informations nationales et étrangères dans la lutte contre la criminalité financière (Baum et al. 2017).
Formes de corruption dans le secteur des ressources naturelles
Trafic de ressources naturelles, agents publics et corruption
D’après une déclaration du Directeur de la mission de l’USAID dans le pays, « Le trafic de faune sauvage et de bois est une activité criminelle transnationale pesant plusieurs milliards de dollars qui prive Madagascar d’une biodiversité unique et le peuple malgache d’un avenir durable » (ambassade des États-Unis à Madagascar 2021). La faiblesse du gouvernement central de Madagascar et ses longues côtes mal surveillées en font un véritable paradis pour les trafics (Rahman 2019).
L’impunité reste la norme pour les fonctionnaires qui enfreignent la loi, en particulier en matière de trafic de ressources naturelles. C’est notamment le cas pour un certain nombre de membres d’institutions politiques, tels que les députés, qui, malgré leur implication dans la contrebande, ne sont pas poursuivis. (Bertelsmann Stiftung 2020).
La contrebande est rendue possible par des niveaux élevés de corruption (grande comme petite) dans le pays (Rahman 2019). La population considère la petite corruption comme un élément récurrent des interactions avec les services publics, l’administration, la police, la gendarmerie et le système judiciaire. Une large majorité des habitants considèrent que certains fonctionnaires sont corrompus. Cette forme de corruption a toujours été présente à Madagascar et continue de prospérer, minant la vie quotidienne de la population (Baum et al. 2017).
Corruption politique et favoritisme
La corruption politique est à la fois fréquente et rarement sanctionnée (Bertelsmann Stiftung 2020). L’agence anti-corruption de Madagascar (BIANCO) affirme que plusieurs parlementaires ont adopté une réforme électorale bénéficiant à l’ex-Président Hery Rajaonarimampianina en échange de pots-de-vin en 2018 (Freedom House 2020). BIANCO a transmis les noms de 79 membres de l’Assemblée nationale (plus de la moitié du nombre total de députés) accusés d’être impliqués dans le scandale de corruption au parquet fédéral7241cc672d4f (Trilling 2019).
Même au plus haut niveau, les présidents ont constamment maintenu des réseaux de pouvoir informels significatifs (avec l’élite économique, religieuse et militaire). Cela est souvent considéré comme indispensable pour conserver le pouvoir officiel, ces groupes ayant la possibilité d’ébranler les représentants démocratiquement élus (Bertelsmann Stiftung 2020).
Une partie du secteur privé entretient des liens étroits avec les détenteurs du pouvoir politique, ce qui facilite le consensus mais déforme parfois la situation (Bertelsmann Stiftung 2020). Voici comment fonctionne le favoritisme : les réseaux économiques se rapprochent du pouvoir via des soutiens stratégiques aux candidats politiques. En échange, un groupe restreint d’élites politiques conserve son statut en soutenant les intérêts de ses parrains du secteur privé. Par conséquent, la frontière entre dépenses privées et publiques est floue, et la responsabilité politique limitée (Freedom House 2020).
La corruption politique est omniprésente dans le secteur des ressources naturelles. Par exemple, de nombreux barons du bois à la tête du trafic seraient eux-mêmes des représentants politiques ou entretiendraient des liens étroits avec des figures du gouvernement (Ong et Carver 2019). L’élite politique malgache est parvenue à maîtriser des réseaux bien développés et à capter les revenus de ces ressources (Frynas et al. 2017).
Si l’on pensait que la corruption avait infiltré tous les niveaux du gouvernement, l’administration actuelle fournit pourtant des efforts plus importants pour lutter contre la corruption, ce qui a mené à plusieurs arrestations (Département d’État américain 2019). Par exemple, Claudine Razaimamonjy68db7aa6ea21, conseillère officieuse du précédent président, a été condamnée à une peine de prison de sept ans avec travaux forcés et à une amende de 100 millions d’ariarys (22 000 euros) pour détournement de fonds publics (Département d’État américain 2019). Néanmoins, les experts anti-corruption se méfient de l’écart entre la parole et les actes lorsqu’il s’agit des mesures gouvernementales de lutte contre la corruption. Ils estiment que cette campagne anti-corruption est davantage guidée par des motivations politiques dans la mesure où les cibles sont généralement des opposants politiques au régime actuel (TI-MG 2020).
Or, l’exclusion délibérée de la société civile du programme de gouvernance et de la formulation et l’évaluation des politique publiques est citée comme l’une des causes potentielles du maintien de l’impunité et de la corruption au niveau politique (Bertelsmann Stiftung 2020).
Captation de l’État
Un article de Political Geography (2017) publié par un auteur resté anonyme par mesure de sécurité avance l’idée de l’émergence d’une élite du bois de rose qui, depuis le coup d’État de 2009, se serait enrichie par l’abattage illégal et la contrebande du bois situé dans les zones protégées du nord-est du pays. Ces activités ont fait la fortune d’une élite restreinte et ont profondément reconfiguré la géographie du pouvoir malgache, ces groupes ayant potentiellement utilisé leur manne financière pour entrer dans l’arène politique nationale et maîtriser le marché afin d’accroître encore davantage leurs profits illégaux. L’arrivée de ces trafiquants de bois de rose à des postes clés du gouvernement malgache démontrerait à quel point les institutions démocratiques censées promouvoir l’égalité ont en réalité été captées afin de préserver des schémas anciens d’inégalité (anonyme 2017).
Domaines clés
Le bois de rose
D’après l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC), le bois de rose est la forme de flore et de faune faisant l'objet du trafic le plus important au niveau mondial, tant en termes de valeur que de volume (Guo 2019). Il dépasse de loin l’ivoire des éléphants, les cornes de rhinocéros et les écailles de pangolin réunis, et est souvent appelé « l’ivoire des forêts » (Ong et Carver 2019).
L’abattage illégal de bois de rose provoque des problèmes allant bien au-delà de la disparition d’espèces d’arbres rares. À Madagascar, pays abritant « le plus d’informations génétiques par unité de surface » au monde, les grands arbres de bois de rose sont essentiels à la nidification d’animaux endémiques comme les lémurs varis et, d’après une étude publiée en 2018 dans l’American Journal of Primatology, leur abattage a des « conséquences dévastatrices » sur les espèces indigènes (Vasey et al. 2018).
Malgré l’interdiction de l’abattage de bois de rose à Madagascar, les affaires sont florissantes. D’après les derniers chiffres fiables datant de 2013, entre 250 et 300 millions de dollars de bois exotique, principalement du bois de rose, ont été exportés illégalement depuis l’île cette année-là (Sharife et Maintikely 2018). La principale région d’abattage illégal et de trafic de bois de rose est la région de Sava, au nord-est du pays, où plusieurs des barons du bois de rose évoqués précédemment contrôlent le trafic (anonyme 2017 ; Sharife et Maintikely 2018 ; Ong et Carver 2019).
L’Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a mené une enquête d’infiltration pour comprendre les pratiques de corruption s dans le commerce illégal de bois de rose (Sharife et Maintikely 2018). À travers des informations tirées de documents secrets du gouvernement, de conversations avec des habitants et des barons du bois de rose, les journalistes ont pu établir que la contrebande était protégée par des initiés puissants entretenant des liens étroits avec des membres du gouvernement et des représentants politiques (Sharife et Maintikely 2018).
Plusieurs acteurs sont impliqués dans la chaîne : des bûcherons, transporteurs, intermédiaires et agents servant de fournisseurs et négociateurs mais aussi des experts juridiques et financiers tels que les avocats, courtiers, investisseurs et comptables ou encore des négociants et exportateurs officiels, des agents publics corrompus incluant la police, l’armée, les douaniers et les dirigeants régionaux, ainsi que les barons du bois de rose (anonyme 2017 ; Sharife et Maintikely 2018 ; Ong et Carver 2019). Les barons du bois de rose détiennent souvent leurs propres entreprises maritimes, certains ayant même des liens avec les représentants politiques (certains auraient des liens remontant jusqu’au bureau du président) (Sharife et Maintikely 2018).
Pour pouvoir sortir du pays, le bois de rose est amené jusqu’aux villages côtiers et transporté par petits bateaux pour approvisionner de grands navires en pleine mer. Ainsi, les bateaux n’ont pas besoin d’entrer dans les ports officiels, évitant l’ensemble de la procédure de déclaration du fret (anonyme 2017). Le bois de rose illégal est souvent déguisé et mélangé à de la vanille légale, la plupart des trafiquants de bois de rose vendant également de la vanille comme matière première (Sharife et Maintikely 2018). Distinguer les revenus générés par le trafic du bois de rose des profits issus des exportations légales de vanille s’avère donc particulièrement difficile pour les agences menant les enquêtes (Sharife et Maintikely 2018).
Si la destination finale du trafic est généralement la Chine, cela apparaît rarement sur les registres officiels,les cargaisons passant d’abord par d’autres destinations. Les destinations privilégiées par la plupart des navires transportant du bois de rose illégal sont officiellement l’île Maurice qui, en tant que paradis fiscal, n’exige aucune déclaration sur la redistribution des marchandises importées, ou Mombasa au Kenya (Sharife et Maintikely 2018).
Néanmoins, ces ports étant bien surveillés, des « réseaux locaux amis » sont employés pour éviter que les cargaisons illégales soient repérées. Parmi les autres points de transit figurent de petites îles ou des « dark ports » de l’Océan Indien comme la Réunion, Mayotte et les Comores, où le bois de rose illégal peut plus facilement être transbordé sur d’autres navires et son pays d’origine dissimulé (Sharife et Maintikely 2018).
Après avoir changé de bateau, le bois de rose est transporté vers différentes destinations d’Asie de l’Est avant d’atteindre la Chine. Certains de ces pays, comme Hong Kong et Singapour, sont des paradis fiscaux opaques. D’autres, comme le Myanmar, le Laos et le Vietnam, sont connus pour leur contrôle laxiste du commerce maritime (Sharife et Maintikely 2018 ; Ong et Carver 2019).
Le commerce du bois de rose est interdit depuis des décennies à Madagascar mais le gouvernement a promulgué de brèves exceptions, en particulier pendant deux périodes en 2009. Cela a jeté le trouble pendant des années, permettant aux trafiquants d’affirmer que leur bois de rose avait été récolté pendant la période d’exception et était donc légal. En 2013, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) a intégré tous les types de bois de rose de Madagascar à l’Annexe II, interdisant leur commerce à l’exception de rares cas dans lesquels une autorité locale de la CITES a délivré des permis (Ong et Carver 2019). Plus tard, en 2017, la CITES a intégré toutes les variétés de dalbergia9b4feb7eee58 du monde, ainsi que d’autres bois de rose, à l’Annexe II, interdisant tout commerce (Ong et Carver 2019).
En 2018, pour financer les mesures de conservation, le gouvernement a élaboré un business plan soumis à la CITES afin d’exporter le bois de rose tombé naturellement « de la main de Dieu » durant une tempête de 2013 (Sharife et Maintikely 2018). Néanmoins, les pays partenaires de la CITES comme les États-Unis ont demandé au gouvernement comment il pensait pouvoir distinguer le bois de rose abattu de celui tombé naturellement7413323e930e (Sharife et Maintikely 2018). La CITES a finalement rejeté le plan (Carver 2018).
Outre la question de l’approvisionnement en bois de rose et de la corruption, il convient également d’étudier la demande en Chine. Un revendeur de bois basé à Zhangjiagang, plaque tournante du marché du bois de rose avec des cargaisons africaines remontant le fleuve Yangzi, affirme que l’environnement commercial est « sale », tout échange sans corruption étant presque impossible (Ong et Carver 2019). Ce revendeur reconnaît que, même si les négociants savent que la plupart des grumes sont abattues illégalement, une fois arrivées en Chine avec les « bons » documents, elles deviennent légales (Ong et Carver 2019). En outre, les agents publics chinois chargés d’inspecter les grands entrepôts de bois de rose sont soudoyés en « glissant de l’argent dans leurs poches » ou en « leur mettant des femmes à disposition » (Ong et Carver 2019).
Le président malgache actuel, Andry Rajoelina, a déjà dirigé le pays de 2009 à 2013, période la plus intensive d’abattage de bois de rose de l’histoire du pays. On estime qu’il serait proche des barons du bois, et les militants écologistes craignent une nouvelle ruée vers la forêt vierge (Ong et Carver 2019). Durant le mandat précédent d’Andry Rajoelina, la contrebande de bois de rose était si répandue qu’une « grande réserve de grumes de bois de rose inexpliquée a été retrouvée... au palais présidentiel » (Sharife et Maintikely 2018 ; Parlement européen 2017).
Les militants s’opposant au trafic de bois font l’objet de pressions répétées de la part des trafiquants comme des représentants du gouvernement (Sharife et Maintikely 2018 ; Ong et Carver 2019). Les militants écologistes expliquent que d’un côté, les trafiquants tentent de les corrompre ou les menacent, et que de l’autre ils risquent la prison et des amendes de la part du gouvernement (Carver 2017). TI-MG et Voahary Gasy Alliance (AVG) affirment que si « des journalistes sont parvenus à infiltrer un réseau mafieux existant et à repérer certains détails précis de son mode de fonctionnement, le gouvernement aurait pu en faire autant s’il avait eu la volonté politique de le faire » (Transparency International 2018).
Le réseau mondial de trafic de bois de rose a également un coût humain important. Un rapport étudiant l’industrie de l’abattage illégal de bois à Madagascar a par exemple estimé que trois bûcherons sur 10 mouraient d’accidents professionnels dans ce secteur. Un responsable politique malgache a confirmé aux chercheurs du projet ENACT9e608df1a694 que le taux de mortalité élevé enregistré sur les sites d’abattage était devenu un problème majeur. Le secteur de l’abattage illégal de bois est également gangréné par le travail des enfants et l’exploitation sexuelle98227af62453. Si les impacts environnementaux et économiques du trafic de bois ont été largement abordés, il convient également de tenir compte de l’impact humain en termes de dégradation des droits humains, de qualité de vie et de perspectives pour les communautés vivant et travaillant dans et aux alentours des sites d’abattage illégal (Reitano et Randrianarisoa 2018).
L’or
À Madagascar, l’extraction d’or existe essentiellement sous forme d’orpaillage, c’est-à-dire l’extraction de dépôts d’or par des processus artisanaux. Les principaux sites sont à Betsiaka, Dabolava, Antanimbary-Maevatanana, Ambatolampy et Mananjary (Rahman 2019). À Madagascar, l’exploitation de l’or est principalement illégale. Illégale, et donc par extension non réglementée, l’extraction d'or est non seulement mêlée à des pratiques de corruption mais a également un impact colossal sur l’environnement (Rahman 2019). Par exemple, la perte de surface forestière due à l’exploitation minière est une tendance récente et en pleine expansion, et l’une des forêts humides du principal parc national de Madagascar est sur le point d’être rayée de la carte (Gerety 2019).
À Madagascar, l’extraction d’or est réalisée par les orpailleurs et titulaires de permis d’exploitation, la commercialisation est assurée par les collecteurs et bijoutiers et la fonte revient aux bijoutiers homologués. L’Agence nationale de la filière or (ANOR) a tenté de réguler ce secteur via l’attribution de permis. Néanmoins, l’extraction minière à petite échelle et artisanale semble être contrôlée par un réseau de puissants négociants qui seraient impliqués dans la contrebande, entraînant une perte de revenu significative pour l’État (Rahman 2019 ; IHARIANTSOA 2021).
Si la production informelle d’or reste difficile à tracer, l’ANOR a enregistré en 2018 l’exportation officielle de 3 051,7 kg d’or, pour une valeur totale de 97 655 001,28 dollars (EITI Madagascar 2019 ; IHARIANTSOA 2021). Les principales destinations de l’or malgache sont Dubaï, Hong Kong et Singapour (Rahman 2019 ; IHARIANTSOA 2021).
Une étude menée par la Banque mondiale en 2010 sur la gouvernance et l’efficacité du développement a établi la « chaîne de valeur de l’or » :
Tableau 1
Agent |
Description de l’activité |
Orpailleurs |
Des habitants locaux ou de petits groupes familiaux recherchent la poudre d’or dans les lits actuels ou anciens des rivières. Souvent à temps partiel, en complément d’une activité agricole. Les orpailleurs vendent généralement leur récolte au jour le jour aux épiciers locaux en échange de produits ou d’argent. S'ils ne dépendent pas des ventes quotidiennes, ils peuvent garder leur or et vendre directement sur le marché hebdomadaire. |
Épiciers (propriétaires d’épiceries) |
Un épicier local pèse l’or, le stocke et le vend chaque semaine aux collecteurs sur le marché. |
Collecteur |
Les collecteurs (souvent locaux) achètent l’or aux épiceries ou directement aux orpailleurs. Généralement, ils n’utilisent pas leur propre argent mais sont financés par des super-collecteurs qui viennent avant le jour de marché pour donner de l’argent aux collecteurs. |
Super-collecteur (visibilité limitée) |
La plupart des super-collecteurs ne sont pas locaux mais viennent de la capitale ou de grandes villes. Généralement, ils dirigent (financent) plusieurs collecteurs dans différents villages. |
Négociant en or/utilisateur (Visibilité limitée) |
Les négociants en or achètent l’or aux super-collecteurs, soit pour l’utiliser comme placement soit pour l’exporter. Les utilisateurs de l’or sont des bijoutiers nationaux qui achètent l’or (en partie) pour leur propre production. |
Au cours des cinq dernières années, une augmentation de l’exportation illégale d’or a été observée à Madagascar (IHARIANTSOA 2021). Parmi les affaires les plus récentes figurent la saisie de 25 kg d’or de Madagascar à l’île Maurice en octobre 2020, la tentative de contrebande de 15 kg d’or vers Dubaï interceptée à l’aéroport d’Ivato en novembre 2020 et la saisie de 73,5 kg d’or illégalement exporté de Madagascar à Johannesburg le 31 décembre 2020 (Linfo 2021 ; Freedom 2020).
Certes, depuis 2019, le gouvernement malgache a déclaré à de multiples reprises son intention de nettoyer le secteur de l’or en appliquant des sanctions à l’encontre des trafiquants mais ces exemples montrent que des quantités considérables d'or continuent de quitter le pays. Par ailleurs, il convient de souligner que les affaires de trafic d’or sont souvent classées sans suite (IHARIANTSOA 2021).
Concernant la récente affaire impliquant la contrebande de 73,5 kg d’or, le gouvernement Rajoelina est apparu dans le dossier car l’avion qui a emmené les trafiquants jusqu’à Johannesburg est régulièrement utilisé par le ministère des finances (Africa Intelligence 2021).
L’exploitation minière étant présente depuis longtemps à Madagascar, des réseaux commerciaux bien établis ont été créés sous l’égide d’un groupe de négociants de l’élite (Banque mondiale 2017). Cette élite, principalement d’origine indo-pakistanaise, a développé des liens avec le gouvernement malgache et a atteint un niveau de captation de l’État significatif (Banque mondiale 2010). L’importance des familles indiennes dans le secteur de l’or est le fruit de réseaux sociaux qui ont grandi autour de l’exportation d’or (vers l’Inde) pendant plus d’un siècle, et dont l’État central ne s’est jamais mêlé (Banque mondiale 2010). Pour éviter l’impôt sur le revenu national et transformer l’or en devise forte à Madagascar, la presque totalité de l’or extrait est exportée illégalement et vendue à l’étranger par ces négociants en or (Banque mondiale 2010). Au vu de son rapport valeur/volume élevé, mettre en place des contrôles des exportations s’avère difficile et coûteux pour l’État (Banque mondiale 2010).
Les résultats tirés du rapport de TI-MG sur l’analyse de la corruption au sein de l’exploitation minière artisanale de l'or et du saphir à Madagascar publié en 2017 listent certains risques de corruption dans le secteur de l’or du pays (RANDRIAARSON 2017 ; IHARIANTSOA 2021) :
Tableau 2
Activités |
Acteurs impliqués |
Forme de corruption |
Classification du risque |
Phase administrative : demande de permis |
BCMM (Bureau du Cadastre Minier de Madagascar inter-régional) |
Trafic d’influence en haut lieu, favoritisme |
Relativement fréquent |
Phase d’installation |
CTD (Collectivités territoriales décentralisées), propriétaires terriens, autorités traditionnelles |
Corruption active et passive |
Moins fréquent |
Phase opérationnelle |
Collecteurs, CTD, inspecteurs des mines, police minière, forces de l’ordre |
Pots-de-vin, abus de pouvoir |
Très fréquent |
Phase de transformation |
Inspecteurs des mines, forces de l’ordre, bijoutiers, lapidaires, négociants |
Extorsion, pots-de-vin, abus de pouvoir, concession illégale |
Relativement fréquent |
Phase de transport |
Grands collecteurs, PAF (autorités aéroportuaires), sécurité aéroportuaire, gendarmes du tarmac, forces de l’ordre |
Pots-de-vin, abus de pouvoir, concession illégale |
Relativement fréquent |
Phase d’exportation |
Entreprise, opérateurs, PAF, police du tarmac, douanes, sécurité, personnel de vol, personnel technique, personnel d’approvisionnement, etc. |
Abus de pouvoir, clientélisme, favoritisme, corruption active et passive |
Relativement fréquent |
Pour obtenir un aperçu détaillé de l’orpaillage à Madagascar, veuillez consulter cette étude. Il convient également de noter que l’analyse des informations trouvées dans le domaine public et nos conversations avec les militants anti-corruption ont révélé un manque de connaissances approfondies sur les acteurs, réseaux et risques de corruption dans le secteur de l’exploitation illégale et de la contrebande d’or..
Espèces sauvages
D’après l’Indice de la criminalité organisée en Afrique, Madagascar occupe la 21ème place sur 54 sur le continent. Le pays serait également confronté à de graves problèmes de criminalité environnementale (ENACT 2019).
Madagascar fait partie des 17 pays désignés comme « mégadivers » par le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP). Une telle biodiversité associée à un niveau élevé de criminalité a donné naissance à un large circuit de trafic d’espèces sauvages (Nelson et Cochrane 2020). Les espèces les plus touchées par le trafic à Madagascar sont les suivantes (USAID 2021 ; Rahman 2019) :
- reptiles (par ex. tortues de terre et de mer, caméléons, geckos et serpents) : capturés illégalement pour servir d’animaux exotiques de compagnie ou pour la préparation de remèdes médicinaux. Il semble que ce sont les espèces qui font le plus l’objet de trafic.
- lémuriens (toutes les espèces) : braconnés comme viande de brousse et capturés pour être vendus illégalement comme animaux de compagnie.
- vie marine (par ex. hippocampes, poissons exotiques) : récoltés illégalement pour être mangés, servir d’animaux exotiques de compagnie ou pour la préparation de remèdes médicinaux.
- oiseaux (par ex. perroquets et autres oiseaux exotiques) : capturés illégalement pour servir d’animaux exotiques de compagnie.
Si le trafic d’espèces sauvages est si prospère, c’est avant tout en raison d’une corruption systémique. Par exemple, alors qu’il est interdit de pêcher des concombres de mer avec un équipement de plongée, les lois ne s’appliquent pas à tous, et les barons du trafic restent souvent impunis en raison de leur influence et de leurs réseaux de clientélisme (Scarffe 2020).
Les lémuriens sont le groupe de mammifères le plus menacé de la planète, 94 pour cent des espèces de lémuriens étant menacées d’extinction. Parmi les facteurs expliquant le déclin des populations de lémuriens figurent la pauvreté généralisée, qui oblige des millions de personnes à dépendre des ressources de la forêt pour survivre, l’instabilité politique, la corruption et l’absence d’application efficace de la législation environnementale (LaFleur et al. 2019).
Plus de 18 000 tortues étoiléesdfb65a670a60, une espèce rare et extrêmement menacée que l’on ne trouve qu’à Madagascar, ont été saisies en 2018. Ces tortues étaient destinées au trafic illégal d’animaux de compagnie en Asie, preuve de l’envergure du trafic organisé d’espèces sauvages (Reitano et Randrianarisoa 2018).
Un rapport réalisé en 2020 par le Global Initiative Against Transnational Organised Crime sur le trafic des tortues malgaches a mis en lumière le large réseau d’acteurs criminels et corrompus qui entravent activement et constamment l’État de droit et la gouvernance afin de pouvoir mener leur trafic d’animaux exotiques de compagnie (Nelson et Cochrane 2020). Les réseaux de trafic de tortues semblent s’alimenter grâce à la corruption endémique qui sévit dans le pays, aux flux financiers illicites, à un contexte de forte demande (souvent stimulée par une popularisation sur les réseaux sociaux) et à un manque d’étanchéité des frontières (Nelson et Cochrane 2020).
Les forêts et animaux sauvages restants à Madagascar se trouvent généralement dans des zones reculées, souvent protégées. Néanmoins, ces endroits sont par définition difficiles à contrôler en raison de ressources limitées et d’obstacles géographiques, et ne sont jamais très éloignés des côtes, ce qui facilite la contrebande de ces produits à forte valeur ajoutée en passant par les villes côtières (Nelson et Cochrane 2020).
L’essentiel de la population malgache vit à la campagne, et dans les régions où elles sont présentes, les tortues constituent d’importantes sources de protéines. Les populations locales seront donc facilement appelées à braconner des tortues vivantes contre un peu d’argent, et les représentants politiques locaux tendent à fermer les yeux. Profitant de cette situation, les trafiquants de tortues se servent d’intermédiaires pour établir un lien avec les communautés locales et passer des commandes ; l’intermédiaire rémunère les habitants pour la chasse et organise le transport des tortues avant leur exportation illégale (Nelson et Cochrane 2020).
Parmi les trafiquants, figurent également des ressortissants étrangers qui vivent à Madagascar ou s’y rendent fréquemment. Lors d’une enquête sur le trafic de tortues, des agents de police ont signalé que les ressortissants malgaches qu’ils avaient arrêtés leur avaient immédiatement proposé un pot-de-vin de 6 800 dollars US et qu’ils avaient ensuite reçu des pressions de la part d’un général afin qu’ils relâchent les trafiquants (Nelson et Cochrane 2020).
La convergence entre les formes de criminalité
Madagascar est connue pour son trafic de bois de rose, d’espèces sauvages, de pierres précieuses et d’or, sa traite des êtres humains à des fins de tourisme sexuel, sa production et son exportation de cannabis et son trafic de moindre envergure d’autres drogues et d’armes. Les recherches ont permis d’identifier plusieurs flux illicites passant par les mêmes itinéraires que les trafiquants de tortues : le cannabis et les tortues étoilées passent par les mêmes routes et les mêmes check-points depuis le sud-ouest d’Antananarivo ; les tortues et l’héroïne sont toutes deux acheminées via les aéroports ; et les tortues, le cannabis et les migrants clandestins sont transportés par bateau vers les Comores (Nelson et Cochrane 2020). Si ces produits empruntent les mêmes chemins, et passent vraisemblablement par les mêmes intermédiaires qui organisent le transport et versent les pots-de-vin aux fonctionnaires corrompus, rien ne prouve que les réseaux criminels impliqués dans l’exportation de tortues et d’autres produits illicites soient les mêmes (Nelson et Cochrane 2020).
Les données de saisies suggèrent que la plupart des itinéraires de contrebande malgaches passent généralement par un pays de transit en Afrique avant d’atteindre leur destination en Asie, le plus souvent en Asie du Sud-Est. L’essentiel des saisies ont lieu dans des pays de transit du sud et de l’est de l’Afrique comme le Mozambique, le Kenya, l’Éthiopie et la Tanzanie, ou dans d’autres pays/territoires insulaires comme la Réunion et les Comores. Les saisies à destination s’effectuent souvent en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande, et dans une moindre mesure aux Philippines (Nelson et Cochrane 2020).
Bien que certains affirment que la lutte contre le trafic d’espèces sauvages n’est pas une question de conservation, il s’agit de problématiques complexes qui requièrent des réponses plus larges centrées sur le renforcement de la gouvernance, de l’État de droit et de la prévention de la criminalité et la construction d’une plus grande résilience face au crime organisé (Nelson et Cochrane 2020). Les projets prometteurs visant à relever ces défis peuvent rapidement s’écrouler. Par exemple, malgré les efforts d’une coalition de groupes de défenseurs de l’environnement connue sous le nom d’AVG et basée dans la capitale de Madagascar, Antananarivo, qui organise des infiltrations afin de réunir des preuves irréfutables à l’encontre des trafiquants, ceux-ci sont souvent libérés sous caution même après une condamnation (Gerety 2018). Certains écologistes estiment que le plus urgent est d’obtenir une meilleure connaissance des acteurs et réseaux de trafic d’espèces sauvages mais il faut également une volonté politique d’appliquer les lois de protection de l’environnement et maîtriser la corruption (Gerety 2018).
Autres secteurs touchés par la corruption (en lien avec les ressources naturelles)
Douanes
Bien que verser ou accepter des pots-de-vin soit considéré comme un acte répréhensible pouvant donner lieu à un procès devant un tribunal à Madagascar, la législation existante n’est pas appliquée, ce qui ouvre la porte à une corruption généralisée. Si une corruption importante existe dans tous les secteurs, elle est systématique dans les domaines suivants : système judiciaire, police, administration fiscale, douanes, foncier, commerce, exploitation minière, industrie, environnement, éducation et santé (ITA Département du Commerce américain 2020).
Des observations anecdotiques laissent à penser qu’il existe une collusion entre représentants politiques, hommes d’affaires et certains agents des douanes permettant le dédouanement de cargaisons importées par de grandes entreprises disposant des bons contacts avec des contrôles douaniers moins rigoureux (Baum et al. 2017).
Il est intéressant de noter que, si les agents des douanes sont dans l’exercice de leur mission, ils ne pourront faire l’objet d’une enquête ou être arrêtés qu’avec l’autorisation du ministre en charge des douanes, après l’avis d’une commission technique placée sous l’égide du directeur général des douanes, hormis dans les cas de flagrant délit impliquant leur propre responsabilité (IHARIANTSOA 2021).
L’une des recommandations, valable pour la plupart des emplois publics, serait de renforcer les examens d’entrée. Cela s’appliquerait par exemple à l’ENMG (École Nationale de la Magistrature), l’académie militaire, la police nationale, la gendarmerie, l’IGE, les agents des douanes, l’ENAF (École Nationale de l’Administration Financière) et l’INFA (Institut National de Formation Administrative), actuellement contrôlées par l’agence anti-corruption BIANCO. Il semblerait que nombre de candidats ont réussi leurs examens en corrompant des fonctionnaires (Baum et al. 2017).
Forces de sécurité
Les rapports soulignent que les forces de sécurité sont souvent impliquées dans les réseaux de trafic corrompus. Par exemple, les barons du bois de rose recrutent de nombreux membres locaux des forces de sécurité pour protéger les grumes abattues illégalement (Sharife et Maintikely 2018). Les agents de la gendarmerie et des forces de l’ordre sont connus pour leur implication dans les étapes opérationnelles, de transport et d’exportation de l’extraction illégale et de contrebande d’or (IHARIANTSOA 2021).
Chacun sait que les milices du pays font appel à des membres des forces de sécurité officielles pour lutter contre les circuits criminels qu’elles sont chargées de démanteler (PELLERIN 2017).
La police et l’armée sont incapables d’affirmer leur autorité sur l’ensemble du pays, et certaines zones du sud de Madagascar sont victimes de raids et d’actes de violence de la part de bandits et de groupes criminels. Les forces de sécurité fonctionnent en dehors de tout contrôle, sans devoir rendre de comptes pour les exécutions sommaires, notamment à l’encontre des voleurs de bétail, appelés dahalo (Freedom House 2020).
Cadre légal et institutionnel
Le cadre légal malgache compte de nombreuses politiques visant à enrayer et prévenir la corruption. Néanmoins, le gouvernement n’applique pas ces politiques avec efficacité, et la corruption reste un sérieux problème, tout comme le manque de transparence au niveau du gouvernement (Bertelsmann Stiftung 2020). Pour obtenir un aperçu du cadre légal et institutionnel en lien avec la corruption et le secteur des ressources naturelles, veuillez consulter ce document.
L’ancien Plan National de Développement visant à lutter contre la corruption a été remplacé par le Plan Émergence Madagascar (PEM) établi par le document de campagne de Rajoelina, IEM (Initiative Émergence Madagascar).
Cette stratégie s’étendant de 2019 à 2023 comporte trois engagements clés en lien avec la gouvernance (Ministère de l’Économie et des Finances 2019) :
- Établir la paix et la sécurité
- Lutter contre la corruption avec une tolérance zéro
- Autonomisation et responsabilisation des collectivités locales décentralisées
Concernant l’environnement, le PEM souligne deux domaines d’engagement clés (Ministère de l’Économie et des Finances 2019) :
- Accès à l’énergie et à l’eau pour tous
- Gestion durable et préservation des ressources naturelles de Madagascar
Avec le soutien de la Banque mondiale, le gouvernement malgache a récemment recruté un consultant afin d’élaborer un « Mécanisme de vérification de stock et business plan » qui a été abordé lors d’une réunion multilatérale en 2018 puis revu pour présentation lors de la 70ème session du Comité permanent de la CITES en octobre 2018. Durant cette réunion, les participants ont reconnu que la dernière version de ce plan présentait quelques améliorations, mais l’ajout d’une disposition visant à distribuer 7 millions de dollars de compensation aux trafiquants en possession de stocks de bois de rose abattu a fait l’objet d'une opposition ferme de la part des membres de la CITES et des ONG environnementales. Les opposants à cette disposition ont estimé qu’elle serait dangereuse dans le contexte malgache, car elle reviendrait à récompenser les hors-la-loi et risquerait de stimuler l’abattage illégal de bois de rose. Ils ont également avancé que de tels versements créeraient un précédent dangereux pour la CITES (Waeber 2019). Le plan a finalement été rejeté par la CITES (Carver 2018).
La loi n°2005-021 du 27 juillet 2005 du Code minier organise le secteur minier à Madagascar. Le décret n°2006-910 du 19 décembre 2006 établit les conditions d’application du Code minier. Le Code minier actuel est soumis à une révision depuis début 2020. Le ministère des mines adopte une approche participative pour ce processus de révision en établissant une commission multipartite représentant l’administration, les opérateurs miniers (grandes et petites mines), la société civile et les syndicats. Le projet de loi de révision du Code minier devrait être soumis à l’Assemblée nationale pour la session de mai ou juin 2021 (IHARIANTSOA 2021).
Autres acteurs
Médias et société civile
L’accès des médias à certains événements officiels est réservé aux médias et journalistes pro-gouvernementaux. En 2019, un tribunal a finalement acquitté Fernand Cello, un journaliste radio vivant dans le sud du pays qui avait été arrêté en 2017 dans le cadre de son enquête sur la corruption locale et l’abus de pouvoir (RSF 2020). Le Code de la communication, une loi sur les médias adoptée en 2016, permet de poursuivre les infractions médiatiques sous le Code pénal, entraînant potentiellement la criminalisation du journalisme. Elle prévoit de lourdes amendes pour les infractions allant de l’insulte et la diffamation à la publication de « fausses informations », une accusation vague refusant aux journalistes tout droit à l’erreur. Enquêter sur le trafic d’influence en lien avec les ressources naturelles et l’environnement reste dangereux (RSF 2020).
L’espace civique se réduit à Madagascar. Les militants et journalistes mettant en lumière la corruption et les réseaux de trafic sont souvent ciblés (Carver 2017 ; Gerety 2018 ; Gerety 2019). Si aucun rapport officiel n’a signalé une surveillance des activités en ligne de la part du gouvernement, une loi sur la cybercriminalité interdit la diffamation en ligne et a déjà été utilisée pour poursuivre des utilisateurs de réseaux sociaux (Freedom House 2020). Depuis 2020, la loi sur la cybercriminalité s’applique également aux journalistes (Assemblée Nationale 2020).
Pour obtenir un aperçu détaillé de la situation des médias et de la société civile, veuillez consulter ce document.
- D’après les estimations, la population rurale représenterait 80,5 % de la population totale du pays (Orange Madagascar 2019).
- Les parlementaires accusés ont reçu 50 millions d’ariarys (11 000 euros) pour voter en faveur des amendements lors d’une réunion secrète hors de la capitale du pays (OCCRP 2019).
- Il convient de noter que Claudine Razaimamonjy a été arrêtée alors que le Président Rajaonarimampianina était encore au pouvoir. Claudine Razaimamonjy a été arrêtée et a fait l’objet d'une enquête de BIANCO sous l’ancienne administration, et son arrestation est donc le fruit d’années de travail administratif/juridique.
- Le bois de rose correspond aux bois durs les plus sombres et uniformes des genres dalbergia et pterocarpus, entre autres. Le dalbergia de Madagascar et d’Asie-Pacifique est généralement plus sombre et plus précieux que le pterocarpus d’Afrique de l’Ouest (Ong et Carver 2019).
- Les journalistes infiltrés de l’OCCRP ont appris que, quelques semaines avant la réunion, l’organe de coordination interministérielle du gouvernement avait dépensé 250 000 dollars pour mener un audit sur 300 000 grumes stockées. Il s’agissait du bois pour lequel ils espéraient obtenir une autorisation de vente de la part de la CITES. Néanmoins, d’après un document confidentiel du gouvernement, seulement 10 des 101 propriétaires de stocks ont autorisé les inspecteurs à pénétrer dans leurs locaux. Les propriétaires font garder leur bois le plus précieux, payant des agents de sécurité privés, ou parfois la police nationale, 80 à 100 dollars par mois pour surveiller le bois. Les journalistes soulignent que la majorité de ces grumes stockées échappent toujours au contrôle du gouvernement (Sharife et Maintikely 2018).
- Renforcer la lutte contre le crime organisé transnational en Afrique, un projet financé par l’Union européenne.
- De très jeunes filles provenant de pays aussi lointains que le Nigeria sont souvent amenées de force sur les sites d’abattage de ces régions pour être exploitées sexuellement.
- Deux espèces de tortues font l’objet de contrebande : la tortue étoilée et la tortue à soc. La tortue à soc est l’une des espèces de tortues les plus rares de la planète. Avec moins de 50 adultes à l’état sauvage, chacune vaut pas moins de 50 000 dollars sur le marché mondial des animaux exotiques de compagnie.