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L’Afrique perd chaque année 88,6 milliards USD à cause des flux financiers illicites. À Madagascar, l’exploitation aurifère pourrait constituer une source de développement significative à moyen et long terme pour le gouvernement malgache. Malheureusement, le métal précieux ne fait la richesse que d’un petit groupe et ne contribue pas au développement du pays.

Cette étude a pour objectif d’analyser de manière approfondie les flux financiers illicites relatifs au secteur aurifère de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle à Madagascar.

La volonté de l’État à améliorer la gouvernance

L’État malgache a adopté des mesures pour améliorer la gouvernance dans le secteur aurifère de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle comme la mise en place de lois portant sur le Code minier et ses textes d’application, l’adoption de textes portant sur le régime de l’or ou encore la création de l’Agence nationale de la filière or (ANOR). Il a aussi conçu une stratégie nationale de gouvernance de la filière or, accompagnée de campagnes de sensibilisation pour la formalisation des acteurs de la filière. Par ailleurs, la Banque centrale malgache a mis en place en 2020 une réserve nationale de l’or afin d’harmoniser la commercialisation de l’or à Madagascar.

Malgré ces mesures, il subsiste une énorme différence en 2020 entre les données officielles et les quantités d’or sorties du territoire. On estime à près de 2 tonnes/an la quantité d’or sortant illicitement du territoire malgache. En plus des exportations illicites d’or, l’État malgache a perdu des sommes colossales en 2020 à cause du non-rapatriement de devises des exportateurs d’or.

Si la volonté du gouvernement malgache à lutter contre la mauvaise gouvernance dans la filière aurifère est manifeste, le paradoxe demeure entre les séries de mesures adoptées pour formaliser le secteur aurifère, sa faible contribution dans les caisses de l’État et les trafics interceptés.

L’analyse des flux financiers illicites

Cette étude a été menée en prenant en compte le contexte du secteur aurifère à Madagascar. L’approche méthodologique adoptée comprenait la recension des écrits relatifs aux flux financiers illicites, l’identification des éléments générateurs de flux financiers illicites, la réalisation de descentes sur terrain dans les sites sélectionnés de Dabolava et Betsiaka ainsi que la détermination des risques et de l’ampleur des flux financiers illicites associés à l’exploitation minière artisanale et de petite échelle aurifère à Madagascar.

Les flux financiers illicites analysés dans cette étude font référence à la corruption, l’exploitation illégale des ressources naturelles, la contrebande et le trafic, le blanchiment d’argent, la fraude fiscale, et la fraude commerciale internationale.

Il ressort de cette analyse que l’informel prédomine dans le secteur aurifère ainsi que le manque de transparence. Outre les acteurs publics et privés reconnus par les dispositions légales, il a été identifié d’autres acteurs dont les complicités favorisent les trafics d’or.

La principale forme de flux financiers illicites dans le secteur aurifère est la corruption qui gangrène toute la chaîne de valeur, de la phase administrative relative à la délivrance du permis minier et de l’autorisation d’exploitation jusqu’à la phase d’exportation. La corruption est une pratique courante, que ce soit sur les sites d’extraction reconnus par le Code minier, dans les carrés miniers et les couloirs d’orpaillage, ou sur les sites d’extraction dans les filons en roche mère ou fatana.

Certains problèmes contribuent également aux flux financiers illicites tels que le vide juridique par rapport à l’extraction aurifère dans les fatana, le manque de communication entre les institutions étatiques, la répartition disparate des rôles des institutions, l’exercice des activités de collecteurs en dehors des lieux autorisés, la circulation des faux billets dans l’achat de l’or.

Les recommandations

Toutes les formes de corruption et de pratiques illicites associées au secteur, ainsi que les étapes de la chaîne de valeur où elles se déroulent, les méthodes et mécanismes utilisés, les acteurs impliqués, et les points institutionnels de vulnérabilité ont été mis en exergue dans cette analyse. Ces éléments permettent de comprendre pourquoi et comment l’État malgache est perdant dans l’exploitation aurifère, mais aussi la population locale, qui devrait pouvoir bénéficier des fruits de son travail.

Des recommandations stratégiques sont fournies à l’intention de l’administration minière et de tous les ministères concernés par les activités minières, sur la base des facteurs et des problèmes identifiés. Parmi elles, on note le renforcement de la communication entre les institutions étatiques, l’éclaircissement des rôles et attributions entre les institutions en charge de la gestion du secteur aurifère, ou encore le renforcement des capacités de l’administration minière à appliquer la législation.

De nombreuses recommandations sont également proposées pour tous les acteurs concernés, à chaque phase d’exploitation : administration minière, mais aussi Direction générale des impôts, orpailleurs-creuseurs et sponsors/propriétaires de terrain, collectivités territoriales décentralisées, organisations de la société civile, organisations de la société civile, organismes du système anti-corruption, collecteur agréé et comptoir, titulaire de permis, ministère des Mines et des Ressources stratégiques, ANOR, bijoutiers, comptoir de fonte.

La mise en place effective de ces recommandations ainsi que la stricte application de la législation et la lutte contre la corruption devraient permettre à l’État malgache de gérer les recettes de manière plus transparente afin qu’elles servent au développement du pays, et que celui-ci devienne enfin gagnant dans l’exploitation aurifère.